
Avant l’arrivée de l’Islam, les terres d’Afrique du Nord avaient déjà une histoire riche, longue de plusieurs siècles, au cours de laquelle les Maures et les Gétules n’ont pas été les seuls à avoir peuplé et modifié le territoire. De nombreuses cultures ont laissé leur empreinte dans des lieux tels que Lixus ou Volubilis dans le cas du Maroc actuel, auxquels s’ajoute le riche patrimoine préislamique de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye. Dès les premiers sites phéniciens puniques, au premier millénaire avant J.-C., on constate une transformation importante de l’espace. Bon nombre de ces fondations étaient le résultat de dynamiques purement économiques qui allaient finalement conduire à de profondes hybridations avec certains éléments locaux. Cela a généré des habitats groupés de plus en plus importants qui se sont finalement transformés en villes florissantes, un phénomène particulièrement visible sous l’administration romaine de l’Afrique du Nord. Les zones d’interconnexion, telles que le « Cercle du Détroit », ont également favorisé la spécialisation de certaines régions et sites qui se sont centrés sur la production de produits. C’est le cas de la ville côtière de Lixus et de son très prisé garum (une sauce au poisson considérée comme un délice à l’époque). Cet essor économique, associé à la machinerie romaine de transformation, a parsemé le futur Maghreb de temples, d’amphithéâtres, de bains, etc. et, plus tard, d’églises. Rome puis le christianisme -ainsi que d’autres religions comme le judaïsme- ont entraîné une importante métamorphose de la topographie des villes et y ont laissé un important héritage, aujourd’hui encore manifeste à travers les vestiges archéologiques et la culture matérielle de la région. Phéniciens, Carthaginois, Romains, Vandales et Byzantins (du premier millénaire avant J.-C. au VIIe siècle après J.-C.) ont produit, avec les communautés autochtones locales, un monde hybride imprégné d’espaces interculturels et religieux qui s’est intégré, de manière plus ou moins prononcée, à l’avancée arabo-berbère du VIIe siècle, germe du Maghreb médiéval.
Esther Sánchez Medina
Université Autónoma de Madrid